Pyrolâtrie
It’s time for renewal. My birthday. The spring is coming.
Le 27 février 2020, j’ai 29 ans et une grande volonté de transformation. 5 ans d’études vont se terminer, je n’étais pas en mesure de savoir qu’elles se termineraient réellement en mars, c’est-à-dire deux semaines après mon anniversaire, avec le mystérieux et populaire Coronavirus. Depuis 2014 (avec une année d’interlude pour m’occuper de ma fille pendant ses premiers temps sur terre), j’ai erré et crée dans cette Académie des Beaux-Arts de Liège 5 jours par semaine, découvrant de nouvelles techniques, de nouveaux horizons grâce à mes professeurs.
J’ai besoin d’un acte qui marque la fin d’une période de ma vie. Étrangement, ce coronavirus vient accélérer cette fin pour moi, et tristement m’enlève ce petit moment de gloire qu’était l’exposition de fin de parcours, (au moment où j’écris ce texte c’est le cas).
Il y a quatre ans, un ami m’avait dit que dans une école alternative en Suisse les étudiants brûlent leurs toiles à la fin de leurs cursus. Pour repartir de zéro, comme si l’apprentissage était une phase et que la vie d’artiste commençait vraiment maintenant.
Que faire pour réunir mes amis et célébrer ma vingt-neuvième année ? Mes travaux encombrent les caves de mes amis ou de mon compagnon. J’ai toujours eu une activité débordante, et quand ça déborde de trop, c’est l’inondation.
J’avais vraiment envie de laver mes eaux intérieures.
Un feu nettoie. Spontanément, je me suis dit que j’allais proposer un feu pour brûler tout ce qui nous encombre, tout ce dont on a plus besoin.
Je n’avais plus besoin de certaines peintures. Non pas que je renie leur qualité, je les ai beaucoup aimé et les aime encore, je n’en avais juste plus besoin, et j’ai estimé (peut-être à tort) que les autres non plus.
J’ai décidé de ranger, de nettoyer mon espace intérieur et extérieur, en brûlant certains de mes travaux.
Cet acte n’a pas d’intention provocatrice, et ne ressemble en rien à un autodafé, même s’il pourrait y faire penser.
Il ne s’agit en aucun cas de minimiser la peinture ou l’acte pictural, ni de dévaloriser mes peintures. Avec cette vidéo, je les immortalise et me libère.
Dans certains monastères zens, une coutume veut que les moines peignent de magnifiques mandalas pendant des mois pour les brûler ensuite. La libération viendrait à ce moment, avec le détachement à l’ego.
Comme je le dis au début du film, ce que je brûle, je le choisis. Alors, oui, qui suis-je pour juger de ces œuvres qui ne m’appartiennent plus et qui deviennent leurs propres propriétaires une fois produites ?
Seulement, dans la réalité matérielle, elles m’appartiennent encore. Et pour une raison ou une autre, elles m’encombrent. Ainsi, en les brûlant, je suis responsable de la matière que je crée et que je laisse. Pyrolâtrie est en ce sens une réflexion sur notre responsabilité vis à vis de la matière et des traces que l’on laisse de notre passage sur cette Terre.
Avec ce contexte possiblement apocalyptique, nous nous posons des questions sur l’humanité et sur ses traces. Que va-t-il rester ? Avec ce feu de mes 29 ans, je choisis en quelque sorte, ce que je veux laisser.
Cette vidéo marque ainsi une charnière de ma vie, avant le COVID, avant les 30 ans. Elle dure 30 minutes, le temps que j’ai mis à brûler tout ce qu’il me fallait brûler.